La relation franco-arménienne fragilisée par le scrutin

Par Tigrane Yegavian

Lorsque les historiens se pencheront sur la dissolution, c’est le mot “désastre”qui reviendra en tête. Le président Macron, que les médias français avaient pris l’habitude de comparer à Jupiter tout le long des premières années de son mandat, sera dorénavant connu dans l’Histoire comme Néron. Ce personnage avait tout. Tout ou presque. Il avait la présidence de la République, une majorité parlementaire, relative certes, mais une majorité tout de même. Il avait un parti en ordre de marche; un socle électoral étroit mais stable et résistant. Le voilà qui perd tout, ou presque.

Sa stratégie d’isoler le parti d’extrême droite (Rassemblement national – RN) s’est révélée erronée. Il avait pensé que les Français, s’étant exprimés massivement en faveur du parti de Marine Le Pen lors des élections européennes du 9 juin, changeraient d’avis pour les élections législatives. Il se retrouve avec un champ politique en ruines qui profite d’abord et avant tout à l’extrême droite et à l’extrême gauche. Suffisant pour décrédibiliser la voix de la France à l’échelle de l’Europe et du monde ; de contribuer à son effondrement économique alors que le pays fait face à une crise d’endettement extrêmement grave.

Ce désastre peut se lire à plusieurs échelles. Il est le résultat naturel d’une politique suicidaire d’un homme tenté par l’hubris. Un homme narcissique qui, déçu du désamour des Français, joue avec le feu au risque de plonger son pays dans le chaos. Sa logique de gouverner au centre a éradiqué la droite et la gauche traditionnelle et exaspéré les extrêmes.

Le malaise démocratique de la France s’est exaspéré et a tout naturellement conduit à renforcer un populisme d’extrême droite et d’extrême gauche porteurs de solutions court-termistes sur des problèmes de nature structurelle.

C’est d’abord et avant tout plusieurs décennies de mauvaise gouvernance qui se traduisent par une insécurité alarmante dans les écoles, dans les quartiers populaires, une immigration incontrôlée qui, à terme, posera un enjeu de nature existentielle, une dette qui dépasse les 110% du PIB ; des déficits dans les comptes publics, une désindustrialisation qui renforce les inégalités sociales, des services publics en crise. De plusieurs décennies de lâcheté et d’abandon…

D’un point de vue arménien, ces résultats du premier tour des législatives ont tout d’un désastre. Surtout si l’on tient compte que la plupart des députés soutiens de la relation franco-arménienne et de la défense de l’Arménie sont issus du parti présidentiel (Renaissance). Ainsi si Astrid Panossian demeure en tête dans sa circonscription de Paris elle n’est pas assurée à 100% de sa réélection au second tour du 7 juillet.

Anne Laurence Petel, présidente du groupe d’amitié France-Arménie à l’Assemblée nationale, femme de courage et de convictions qui avait élevé le niveau des relations franco-arméniennes à un niveau exceptionnel, s’est qualifiée au second tour mais est arrivée en troisième position dans sa circonscription des Bouches-du-Rhône (sud de la France). Contrairement aux consignes de son parti, elle a choisi de rester au deuxième tour. Sa réélection est des plus incertaines, si elle était battue, cela porterait un coup sévère aux relations d’amitié et de travail entre parlementaires français et arméniens.

Arrivée en troisième position Sarah Tanzili, députée sortante de la treizième circonscription du Rhône, figure de la communauté arménienne de France, a dû se désister pour que le candidat de gauche batte celui du Rassemblement national arrivé en premier.

Dans ces moments d’incertitudes et de vérité, il en va de la mobilisation de tous pour redonner un sens à la vie politique et à l’engagement mais aussi de prendre acte des raisons qui fracturent la France et d’avoir le courage de voir le réel en face. Dans cette optique, les Arméniens de France ont une responsabilité historique en raison de leur qualité de médiateurs et de constructeurs de ponts et d’acteurs du développement socioéconomique et culturel.

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